A une demi-heure de route de Bruxelles, le 11ème festival s’est tenu sous le soleil, dans l’atmosphère bon enfant qu’on lui connaît. Avec son marché de luthiers très bien fourni, il fait penser à un petit St Chartier, même si les luthiers ne donnent pas de concerts et que les sessions improvisées sont peu nombreuses.
Avec 18 concerts comme Malicorne, Groupa, Frigg, Naragonia, Alasadair Fraser & Natalie Haas, Rua McMillan, Chemin de Fer ou Trivelin, on s’attendait à ce que le public francophone soit un peu plus nombreux que d’habitude. Et pourtant … qu’est-ce qui vous a retenu d’y aller ? Le prix est pourtant démocratique, la nourriture est plus que correcte et les boissons sont servies dans des verres … en verre, ce qui est plutôt rare dans les festivals.
Voici donc de quoi vous donner une idée de quelques concerts, ainsi que quelques infos glanées ici et là.
D’abord le groupe Balatone, dans la « tente acoustique ». Sans amplification, donc. Ce trio emmené par un colosse rougeaud, accordéoniste et chanteur à la voix puissante, s’est fait accompagner par Gilles De Cock, le percussionniste (et luthier) d’Overijse, qui pour l’occasion avait amené une kyrielle d’instruments. Un programme commun préparé en un mois seulement, mélange savoureux de chansons en bruxellois et d’airs du Centre France. Gilles joue de l’une ou l’autre percussion, invite des spectateurs à venir en jouer au pied de la scène, en distribue d’autres (coquillages, rommelpot et objets divers) parmi le public qui tape des mains et des pieds. Très chaude ambiance !
Un quart d’heure plus tard, c’est le tour d’Alasdair Fraser et Natalie Haas dans la grande tente. Minutage parfait, on ajuste le temps de prendre place. Le violoniste écossais donne cours depuis 27 ans sur l’île de Skye ainsi qu’en Espagne,c’est dire s’il est un maître de l’instrument, tant dans les morceaux rapides que dans les airs lents qu’il joue avec beaucoup de nuances. La violoncelliste américaine Natalie Haas l’accompagne déjà depuis deux cd. Cette virtuose aime les rythmes abrupts qui propulsent les mélodies. Un duo explosif !
Également celtique mais beaucoup plus jeune, le Rua McMillan Trio a séduit d’emblée. Trois jeunes au look simple et sympa, dont un joueur de bodhran déjà champion du monde – son solo était absolument époustouflant, avec des sonorités incroyablement variées et une rapidité à vous couper le souffle. Après son solo, il est allé mettre les mains sur des glaçons ! Quant au violoniste, RuaMcMillan, il a une curieuse façon d’accélérer en se penchant fortement en avant et en tapant furieusement du pied- curieux mais efficace ! Avec une guitariste aux longs cheveux romantiques mais pleine d’énergie elle aussi, c’était une rafraîchissante démonstration de la vitalité écossaise, qui a de surcroît pris la peine de ralentir intelligemment le tempo après ‘accélération classique strathspey – reel.
Et le soir, il y avait Malicorne dans la grande tente évidemment pleine à craquer. Avec Gabriel Yacoub, Marie Sauvet et quatre musiciens dont Gilles Chabenat. Et c’était comment, Malicorne ? Ah, ce n’était bien sûr plus comme jadis … mais auriez-vous pu croire le contraire ? Face à des avis contrastés, nous avons choisi de laisser deux spectateurs s’exprimer.
Lucie : moi, ce que j’aimais bien, c’était les morceaux vraiment folk, pas les compositions récentes. J’aurais préféré que ce soit uniquement folk.
Geoffrey : le folk n’avait pourtant pas le punch d’autrefois. « Marions les roses » était un peu décevant, ils n’ont mêmepas essayé d’imiter leur fameux « orgue à bouche » bien qu’ils chantaient tous les six.
Lucie : les voix de Gabriel et de Marie sont toujours bien les mêmes, c’est le plus important !
Geoffrey : on ne comprenait que la moitié de leurs paroles … alors que l’accordéoniste Romain Personnat chantait de manière à la fois très claire et nettement folk, bien ornementée. C’était une agréable découverte.
Lucie : comment sais-tu que l’accordéoniste s’appelle Romain ? Ils n’ont pas présenté les musiciens. Ils ne présentaient pas non plus leurs morceaux, d’ailleurs.
Geoffrey : c’est vrai, peut-être que le succès assuré leur suffisait ? En tout cas ce qui m’a frappé, c’est que le public néerlandophone chantait en français.
Lucie : c’était chouette, mais ce que je regrette le plus, c’est que la basse et la batterie étaient souvent trop fortes,trop marquées.
Geoffrey : il y avait aussi de beaux moments calmes, comme lorsque la vielle a installé une ambiance tout à fait onirique autour du chant de Marie …
Lucie : je dirais que c’était assez souvent un peu pesant, mais avec quelques belles envolées. Et le morceau final a euun gros succès.
Geoffrey : mouais, un branle consensuel dont ils accélèrent le tempo, c’est trop facile ! Finalement je trouve qu’ilspourraient proposer un spectacle en deux parties : d’abord un concert trad moderne, ensuite du vrai folk traditionnel,plutôt que ce mélange trad – chanson française – folk. Bien que j’aime bien ce que Gabriel Yacoub a fait ces dernières années en chanson.
Lucie : peut-être n’auraient-ils pas dû prendre le nom de Malicorne. Mais bien sûr c’est leur droit, et cela attire le public …
Nous avons aussi croisé Herman Dewit, le temps de papoter un peu près du marché des luthiers. Il nous dit que ‘t Kliekske joue beaucoup moins qu’avant, mais que le duo Rosita & Herman a encore une bonne centaine de concerts par an dans les écoles, des associations culturelles et aux Jeunesses Musicales (ce qui est quand même nettement moins, là aussi, que l’an dernier). C’est la crise … Spécialisé en instruments insolites, Herman prépare un spectacle avec Max Vandervorst pour la seconde moitié de 2014. Dans le même registre, il organise tous les deux ans (la prochaine fois en novembre 2014) le festival Zwanjo (mélange de banjo et de boîte de saucisses Zwan !) Et il confirme que Muziekmozaïek fonctionne très bien, grâce aux subsides qui récompensent ses nombreuses activités folk et jazz, le stage fin août, le festival Gooikoorts et ce fameux Zwanjo, entre autres.
Au plaisir de vous rencontrer à Gooikoorts l’an prochain ?
Infos : www.gooikoorts.be.
Marc Bauduin
(compte rendu paru dans le Canard Folk de septembre 2013)