Cette rubrique se veut ouverte, de bric et de broc, à tout fouineur amoureux de la tradition musicale, chantée et dansée de nos régions.
Comme autant de loupiotes allumées aux fêtes et kermesses, comme autant de brandons réchauffant les veillées, puissent ces traces de nos ménétriers nous éclairer sur notre patrimoine musical populaire.
Ce patrimoine qui, fatigué de dormir dans les musées, se veut accessible à tous, et en constante évolution pour une pratique contemporaine.
La procession dansante à Echternach
» Le côté religieux du folklore luxembourgeois est peut-être celui qui a le mieux résisté au temps : on fleurit toujours les calvaires et les chapelles qui jalonnent les chemins, la grande ombre de Saint Hubert plane toujours sur l’Ardenne, et, si les statues de Saint Adrien et de Sainte Nathalie, qui sauvèrent Arlon de la peste, sont maintenant, 364 jours par an, rangées dans un placard, il est une procession qui conserve intact, ou à peu près, son succès d’autrefois : c’est celle du mardi de la Pentecôte à Echternach. Il est vrai que son côté spectaculaire en fait un admirable moyen de propagande touristique, mais qui songerait à s’en plaindre. »
La procession d’Echternach en 1804. (1)
» On a accoutumé, dans la ville d’Echternach, de voir le mardi de la Pentecôte une procession de sauteurs des deux sexes. Cette cérémonie occupant beaucoup de public et donnant lieu à un grand concours de monde, j’ai cru nécessaire de la voir par moi-même afin de pouvoir vous en rendre un compte exact et dégagé de toute espèce de prévention. /?/ Il est utile avant tout de vous faire connaître en quoi consiste le mouvement des processionnaires, qui leur a valu la dénomination de sauteurs. Ils se placent sur trois lignes, et les trois personnes de front font ensemble une espèce de pas de bourrée à droite et, à gauche dans une direction très oblique, sans aucune relâche pendant toute la durée de la procession. »
» Cette danse qu’on appelle procession votive commence de grand matin au-delà du pont de la Sûre. Les danseurs y étant assemblés, on leur fait une exhortation, après quoi ils se rangent trois à trois et commencent leurs sauts au son d’une infinité de hautbois, de musettes, de violons et d’autres instruments. Ils continuent de la sorte pendant plus de deux heures jusque dans l’église paroissiale où, étant arrivés, ils se prosternent à terre /?/. On ne sait pas au juste l’époque du commencement de cette danse. » (2)
Voici la transcription de l’air. (3)
Faut-il préciser que ces deux comptes rendus ont pour époque et cadre politique, la révolution française et le règne napoléonien durant lesquels toute manifestation religieuse et tout rassemblement de masse étaient suspects et interdits. Le Sous-Préfet semble minimiser l’importance de cette manifestation traditionnelle, souvent interdite, à cause de son caractère insolite et mystérieux, aussi bien par les gouvernants que par le clergé de l’endroit.
J’ai participé, en spectateur, à la toute dernière édition de cette manifestation en cette année 2000; elle était particulièrement impressionnante. Pas moins de 5000 danseurs et un millier de musiciens y font régner une ambiance particulière imprégnée de gravité recueillie mais aussi de fête populaire et de franche bombance.
C’est un rendez-vous à noter dans vos agendas. La musique authentique peut s’écouter sur le site internet de TRIVELIN.
Walter et Jacqueline LENDERS
(1) J.-L HOLLENFELTZ Trois documents inédits sur la procession d’Echternach.
(2) Lettre du Sous-Préfet de Bitburg au Préfet du Département des Forêts. Archives du régime français. le 3 prairial an XII (23 mai 1804 )
(3) ECHTERNACH La procession dansante. Mélodie, arrangement Pierre NIMAX
(paru en septembre 2000 dans le Canard Folk)