Premier confinement, début 2020 : nous sentons la frustration des musiciens qui ne peuvent plus que jouer seuls dans leur coin. Répétitions impossibles si ce n’est via des échanges audio ou vidéo. Les concerts sont impitoyablement supprimés et les bals sont en conséquence strictement interdits.
Alors, une lumière d’imagination germe et l’idée d’une collaboration entre musiciens voit peu à peu le jour. Je compose une gigue que je nomme « Gigue hydroalcoolique » afin de refléter la situation ambiante. Cette mélodie, je n’en retiens, dans un premier temps, que la première partie, le A. Je dresse ensuite une liste d’amis musiciens et leur envoie cette partition tronquée ainsi que le fichier audio. Une seule consigne : composer une partie B, une suite : en tout, 10 compositeurs répondent à mon appel!
Me voilà soudain face à une grande question : que faire de toutes ces partitions ? Je les retranscrits méticuleusement, constitue un fichier PDF et, ensuite, transforme tous ces documents en fichiers MIDI, plus tard transformés en fichiers MP3. En utilisant Audacity, je remets tous ces fichiers audio ensemble et après un peu de travail, je sors le premier fichier complet, reprenant toutes les interventions l’une après l’autre, dans l’ordre où les fichiers me sont parvenus. Une première ébauche en sort donc, un document audio avec un son piano, sans le moindre accompagnement. Un peu plus tard, je diffuse le fichier à tous les participants,en les remerciant de leur apport.
Presqu’immédiatement, un ami musicien, Pierrot Bachy de Malonne me fait parvenir un premier arrangement de la gigue complète qu’il nomme « Fantaisie alcoohydraulique », pièce de deux bonnes minutes. Le projet en reste là, mais un jour, Pierre-François Detongre me contacte et me dit qu’il est d’accord de retravailler les partitions et d’en faire un fichier audio complet.
Pierre-François se met à la tâche et effectue ce que je considère être un travail immense. Tout en tenant compte de la réalisation de Pierrot, il envoie une première mouture à Marc Bauduin qui lui a proposé sa collaboration. Suite aux suggestions de Marc, Pierre-François réalise sa version (provisoirement ?) définitive.
Le 6 décembre, le Grand Saint m’envoie un mail où tout est expliqué. Il est vrai que nous sommes encore sous le coup de la frustration endurée suite au report des concours de Folknam Musique Trad.
Ce sont les travaux de Pierrot et Pierre-François que vous pouvez aujourd’hui découvrir. Ont participé à cette expérience, par ordre d’arrivée des contributions : Pierrot Bachy, Jean-Léon Dewalque, Yves Deplasse, Arthur Bauduin, Marc Bauduin, Pierre-François Detongre, Julien Maréchal, Cécile Henneaux, Bashar Farjo.
Je reprends ci-dessous ce que Pierre-François m’écrit comme précisions concernant son travail :
« Dans l’élaboration de cet arrangement, une première mouture a d’abord été envoyée à Marc Bauduin. Suite à ses commentaires et suggestions, une évolution a donc vu le jour.
Voici ci-dessous quelques explications à propos de cet arrangement :
Instrumentation et harmonisation
J’ai choisi une section d’accompagnement simple à savoir un piano et une contrebasse qui assure la rythmique et le soutien harmonique. Je n’ai pas envisagé que les accordéons diatoniques jouent la main gauche car cela aurait apporté trop de contraintes. Dans l’arrangement, la voix principale est systématiquement jouée avec une sonorité de violon. Une deuxième voix a aussi été ajoutée pour chaque B proposé, mais pas pour le A où les deux voix jouent à l’unisson. Dans l’arrangement, cette deuxième voix utilise systématiquement une sonorité d’accordéon.
Traitement du A (refrain composé par Jean-Pierre)
J’avais au départ traité chaque fois le A de la même manière vu que c’est l’élément récurrent du morceau.
Puis, sur les conseils de Marc, j’ai revu l’accompagnement en le variant un peu rythmiquement pour lui donner plus de fluidité évitant ainsi le « marteau-pilon » de départ ! C’est vrai qu’avec le format midi, l’interprétation et la sonorité des instruments renforcent encore cette impression. En live, ça sonnerait d’office mieux et on pourrait improviser naturellement des petites variantes.
Le A est le même au début et évolue petit à petit avec les B qui deviennent de plus en plus éclatants.
Traitement des B (couplet de chaque contribut.eur.rice)
Par rapport au A, le groove rythmique change assez souvent dans les B et est en lien direct avec la manière dont la mélodie trouvée a été pensée et articulée. Ça permet de contraster avec le A.
Les B ont chacun leur grille d’accords propre. Ça aurait d’ailleurs été impossible d’imaginer uniformiser tous les B avec la même grille d’accords vu la variété des contributions proposées.
Comme je n’avais reçu aucune info des contribut.eurs.rices par rapport à cela, j’ai donc trouvé les grilles. Pour la plupart des B, les harmonies étaient très claires, mais pour certains B où la construction et l’articulation de la mélodie était particulière, ce fut un peu plus difficile de trouver un équilibre.
Au départ, l’ordre des B suivait celui d’arrivée des contributions et n’avait pas été repensé par rapport au groove… mais je sentais bien la nécessité de le faire évoluer pour arriver à faire sentir une progression sur la longueur de toute la suite. Marc était aussi de cet avis, j’ai donc choisi de mettre en évidence une certaine progression notamment au niveau du rythme. Les B les plus remplis rythmiquement arrivant à la fin de la suite… Cela donne l’impression d’un grand crescendo allant vers du plus éclatant.
J’ai également préféré ne pas regrouper les deux B qui modulent (en fa majeur), mais les ai répartis au début (Cécile en 4ème position) et à la fin (Bashar en 7ème position) pour ajouter une diversité supplémentaire dans la suite des B.,Marc proposait également un B final « en cacophonie tutti » où chacun jouerait ce qu’il veut comme B démontrant un petit côté «musique contemporaine»… L’idée est à creuser et à tester en live !
Exercice proposé par Pierrot (Test alcoolohydraulique)
Il ne m’a pas été possible d’intégrer dans mon arrangement, d’une manière ou d’une autre, l’exercice de style proposé par Pierrot dont l’idée consiste à faire dialoguer à 2 voix les différentes contributions proposées (écriture plus contrapuntique donc) mais qui, a priori, ne tient compte d’aucune grille d’accords sous-jacente. Dans l’arrangement que j’ai réalisé, la deuxième voix créée a été pensée en complète adéquation avec chacune des mélodies originales proposées dans les B et chaque grille d’accords qui leur est associée. L’exercice de style de Pierrot est bien sûr très différent de ma démarche et démontre toute la créativité du folk. A deux voix, tout est presque permis ! On peut dès lors présenter les deux versions côte à côte.
Création à jouer en bal
Cette suite pourrait parfaitement convenir pour être jouée en bal … 5’30’’ n’est peut-être pas trop long pour un cercle circassien … Disons que les danseurs auront bien besoin de boire un p’tit coup juste après !!!
Version non figée
Je termine en précisant qu’il va de soi que cette mouture d’arrangement n’est pas figée et que celles et ceux qui voudraient la jouer en bal ou en concert pourront l’adapter à souhait. C’est d’ailleurs pour ça qu’un fichier MuseScore est à disposition de qui le voudrait pour permettre de modifier facilement certaines choses selon le désir de chacun.e.
Publier l’histoire et la démarche de ce projet musical original sur le site de Folknam Musique Trad et sur celui du Canard Folk permet de le faire découvrir à un public plus large et démontre que malgré les annulations/reports d’évènements (bals, concours, concerts, …), le folk reste bien vivant et se réinvente grâce à de chouettes initiatives comme celle-là.
Pour aller encore un peu plus loin dans ce projet, un enregistrement live, réalisé par un petit groupe de musiciens, pourrait être envisagé quand la situation sanitaire sera un peu calmée. Par exemple à la date de report des concours d’interprétation et de composition vu que pas mal de musiciens du monde folk seront rassemblés et que du matériel d’enregistrement sera présent. »
Après ceci, il ne me reste plus qu’à vous communiquer les liens vers les sites où vous pouvez écouter ces pièces. Je tiens ici à remercier tous ceux qui ont collaboré à cette joyeuse expérience. Par ordre d’arrivée des contributions : Pierrot Bachy, Jean-Léon Dewalque, Yves Deplasse, Arthur Bauduin, Marc Bauduin, Pierre-François Detongre, Julien Maréchal, Cécile Henneaux, Bashar Farjo.
Jean-Pierre Wilmotte
Liens vers les fichiers audio de ce document :
– Il y aura sur la page d’accueil du Canard Folk www.canardfolk.be un lien vers l’article et ses fichiers audio ; il sera aussi possible de le rechercher dans la base de données des articles, comme n’importe quel article.
– Pour le site FMT : voyez la page d’accueil
www.folknammusiquetrad.be.
Voici donc la Gigue hydroalcoolique (arrangement Pierre-François Detongre)
Et voici la fantaisie alcoohydraulique (arrangement Pierrot Bachy)