Nombreux sont aujourd’hui les amateurs de beaux instruments en bois, que ce soient des violons, des flûtes, des clarinettes et autres taragots et on redécouvre un peu partout les vertus esthétiques de cette matière naturelle, déclinée dans tout son éventail de teintes et de sonorités.
Les bois exotiques tout d’abord : palissandres, ébènes, amourette, amarante, pour les flûtes ou les archets … plus proches sont le buis quelque peu raréfié, le noyer, le cornouiller des musettes baroques et de leurs dérivées…
A d’autres bois moins « nobles », on prête peu d’attention. Pourtant, nos fruitier, nos arbres des forêts ont aussi leurs vertus.
Autrefois par exemple il n’était pas rare de réaliser un violon en pommier, en poirier, ou même en acacia, en platane. Une flûte en cerisier, en prunier, en reine-claudier, en olivier aussi ou même en citronnier, en cormier ou en houx pour remplacer le buis, en hêtre fayard, en saule ou en sureau, en argousier, en arbousier aussi, une virole en bruyère ou en corne, une décoration en os, en racine de genêt… chacun de ces bois et matériaux possédant un aspect qui lui est propre ainsi qu’une sonorité qui n’est pas forcément à dédaigner… on peut aussi « durcir les bois », les imperméabiliser par de vieux procédés (cuisson à l’huile de lin, bains d’eau ferrugineuse … ).
On aura avantage aussi à traiter la surface avec un mélange d’huile de lin cuite (80 %), d’essence de térébenthine et d’essence de citronnelle à parts égales pour la partie restante. C’est une très vieille recette qui a bien fait ses preuves pour imperméabiliser et donner un bel aspect satiné. A bien laisser sécher et à polir avec un chiffon doux.
Une mince fente à boucher ? A défaut de « mastic » ou bien de copeaux du bon bois, on peut utiliser de la poudre d’argile de différentes teintes mélangée à la colle de poisson ou de peau de lapin…
Pour ceux qui s’intéressent à la lutherie proprement dite, il est tout à fait possible de construire un violon en platane ou bien en merisier de belle sonorité à condition de tenir compte de la densité du matériau. L’épaisseur des parois sera donc fonction du bois qu’on a choisi. Une table en sapin évidemment ou bien en cèdre. Pour la couleur, elle sera soit naturelle, agrémentée par un veinage qui, pour n’être pas forcément celui d’un vieil érable, n’en aura pas moins ses caractéristiques propres et permettra aussi de jouer d’une certaine variété soit teintée par le vernis ou encore rehaussée par des extraits de baies, des pollens. Pensez au sureau, aux myrtilles, mais aussi au curry, au paprika… au dépôt momentané de yaourt mélangé à un certain acide pour accentuer les dessins naturels, comme on fait en Hongrie.
C’est fantaisiste ? Et pourquoi pas ! C’est en tout cas fort amusant à condition de « bien jouer le jeu » et on est parfois fort étonné du résultat. Par conséquent, à vos gouges, ciseaux et « peignes à myrtilles » pour une redécouverte aux charmes bucoliques…
J.-L. Schmit
(Article paru dans le Canard Folk en décembre 2000).