« Quand on me demande un air de musette, j’entre en pétard. Ni mon accordéon ni moi ne sommes faits pour ça.

Mon accordéon n’est pas ce « piano à bretelles « , plein de touches et de boutons nacrés, qui tisse de la dentelle dans les bals, mon accordéon est diatonique, c’est-à-dire qu’il ne produit pas les mêmes notes selon qu’on pousse ou qu’on tire le soufflet. Au physique, il est bien plus petit que son fameux cousin. Il ne possède, en tout et pour tout, qu’une trentaine de boutons, basses comprises: pas question, dans ces conditions, de finasser dans les dièses et les bémols. Quand on s’en sert, généralement assis, le soufflet penche vers le sol, à la manière d’un saule qui s’en irait pleurer dans l’eau. Pleurer: quoi qu’on fasse, ce qui sort de cet instrument-là parle de mélancolie, de pluie sur le pavé, de passants que la foule emporte … C’est le dernier représentant d’une race: celle des pianolas, des limonaires et des organolas.

Peut-être que je n’ai pas toutes les qualités, non plus, pour en tirer les polkas piquées, les scottishs ou les mazurkas pour lesquelles, après tout, ce type d’accordéon est fait.  »

 

Flânant parmi les nouveautés parues en livres de poche, j’ai eu l’œil immédiatement attiré par la couverture qui ornait ce mince volume intitulé « Duo forte » : un accordéon (qui paraît quand même chromatique) et une guitare.

La première page, que vous venez de lire, m’a incitée à l’acheter.

Mais l’auteur, Eric Holder, ne parlera plus tellement de l’accordéon diatonique, beaucoup plus du jeu virtuose de la guitare.

C’est l’histoire de la quête de deux hommes, Maurice l’accordéoniste et Dino le guitariste à la recherche d’une femme qu’ils ont tous les deux aimée. L’un sait ce que l’autre ignore, mais bientôt la douleur sera partagée. Cette quête ressemblera en fin de compte davantage a une vengeance.

Ce roman, qui mélange les genres sentimental et policier plaira certainement aux nostalgiques de la période du retour à la nature qui a suivi mai 68.

Voilà donc un aimable roman qui distraira les lecteurs du Canard Folk.

Micheline Vanden Bemden-Casier

Eric Holder  « Duo forte » Editions Grasset, 1989, réédité en format de poche dans la collection J’ai lu , 2001.

 

(paru dans le Canard Folk de février 2002)