Le texte ci-dessous est tiré du 33 tours Anthologie du Folklore Wallon – vol. 4 « Les airs à danser » (Decca 163.053) (Réalisation Claude Flagel et Françoise Lempereur. Supervision scientifique Roger Pinon)
C’est à Longchamps, petit village dans la région de Bastogne, qu’est né Henri Schmitz, le 10 août 1904. Vers l’âge de 10 ans, il se met avec deux de ses frères, à l’étude du violon, de l’accordéon, de l’harmonica (ou « musique à bouche ») et de la clarinette. Leur professeur n’est autre que leur père, excellent ménétrier, lui-même fils de ménétrier. Ernest, frère d’Henri, se plaît à répéter que la plus grande partie du répertoire d’Henri (valses, mazurkas, polkas, scottishes, maclotes, etc) vient, via leur père, du grand-père, ancien berger, mort en 1934 à l’âge de 88 ans.
Vers 1922, Henri part travailler dans une usine de la région liégeoise; parfait animateur, il se produit en intermède dans un cinéma de la grande ville industrielle. Lorsqu’il a l’occasion de revenir au pays, il « joue bal » à quelque kermesse d’un village voisin. Le programme est simple : une heure de danses, une heure de chansons et histoires drôles, une autre heure de danse, etc. Afin de ne pas créer de jalousie, il change de café au cours de la soirée, la foule se déplaçant bien entendu avec lui.
A Longchamps, le 3e jour de la ducasse, le mardi, on chasse alors le « vèheû » (putois); un jeune homme figure l’animal et est suivi par tous les jeunes du village; cette « chasse » n’est qu’un prétexte pour se choisir une cavalière et comme elle se déroule en musique, c’est Henri, monté sur une charrette, qui accompagne le cortège en jouant force polkas ou autres danses entraînantes.
La crise économique des années 30 frappe durement le Luxembourg belge : l’argent se fait rare et le sabot de quête du violoneux n’est plus rempli. Henri arrête de jouer pour le public. Il arrête définitivement en 1940 car un soldat allemand lui prend son violon…. le violon du grand-père!
En 1973, à Champs, à quelques centaines de mètres de chez lui, a lieu le premier festival « folk » de Wallonie; un très vieux violoneux y joue de la « sirène d’amour », violon dont la caisse de résonnance est remplacé par un diaphragme et un cornet de phonographe : c’est Constant CHARNEUX d’Hemroulle, village voisin.
Henri connaît bien Constant, il l’a souvent entendu jouer car Constant, mort à 91 ans en 1975, n’a jamais cessé d’animer et de faire danser; il va, dit-on, fréquemment à Paris « faire la manche » dans les restaurants et les cafés.
Henri rachète un violon et dès 1974, il se produit sur scène; en 1975, le festival de Bastogne lui est dédié : c’est la « Fête à un Foyan »; en 1976, il participe au Festival of American Folklife, le plus grand festival de folklore jamais organisé, à Washington (U.S.A.). Quelques mois plus tard, une terrible maladie l’accable et, avant que nous n’ayons pu réaliser les derniers enregistrements (il avait accepté d’enregistrer pour nous sur une « sirène d’amour », les airs de Constant Charneux), il meurt le 4 octobre 77, regretté de tous.