C’est en écoutant le mois dernier le nouvel album du guitariste et violoniste Brian McNeill que nous avons découvert le groupe Feast of Fiddles dont il fait partie. Un groupe de vétérans qui s’amusent énormément. Nous contactons illico le groupe, qui nous répond aussitôt en la personne de Hugh Crabtree (accordéon diatonique, chant), qui nous envoie les cinq cd encore disponibles et nous propose de répondre à nos éventuelles questions. Belle interactivité ! L’interview a lieu par e-mail le 16 avril. Nous commençons par parler du dernier album, qui porte le numéro de catalogue FOFCD007, mais … hum … est-ce le sixième ou le septième album, Hugh ?

Marc Bauduin

Q : Sleight of Elbow est votre septième cd et sixième album, exact ? Le cd numéro 2 étant un “bonus” qui accompagnait le premier album.

R : C’est exact. Nous pensions que ce pouvait être une bonne idée d’inclure un cd bonus de 4 morceaux avec notre premier album, entre autres parce que nous voulions inclure les enregistrements que nous avions de ces morceaux, et au départ parce que c’était un cadeau destiné à stimuler la vente du premier album.

Q :Pouvez-vous expliquer le choix de ce titre “Sleight of Elbow” ?

R : Le groupe ne se prend pas fort au sérieux et a toujours été heureux de se prendre en objet de dérision. Comme vous savez, “Sleight of hand” est une expression désignant une technique qui donne l’illusion qu’un objet apparaît ou disparaît, ou qui termine un tour de cartes. Le groupe a parfois l’impression qu’il peut comme par magie faire sonner les violons comme quelque chose d’autre. Le meilleur exemple est peut-être String Of Pearls. Les violonistes utilisent leur bras et leur coude pour travailler l’archet. Martin Vincent, qui avait écrit le morceau pour un big band de musiciens d’école, avait décidé de l’appeler Sleight of Elbow dans le cadre de Feast of Fiddles qui en ferait l’arrangement. Nous avons alors demandé au brillant artiste Paul Slater de proposer un dessin pour la pochette, et il a réussi magnifiquement avec cette illustration comique et un peu risquée d’un magicien à l’oeuvre.

Q : Ce dernier album contient beaucoup moins de commentaires imprimés que les précédents. Quelle est la raison ? Y aura-t-il un complément sur le web ?

R : Nous avons décidé pour cet album d’avoir un packaging cartonné, car cela devient très populaire. Nous avons aussi décidé d’y mettre moins de “blabla”. Il n’y a pas de raison particulière au-delà de la volonté de rendre tout le processus plus facile et plus rapide. Concernant des infos additionnelles sur le site web, nous n’en mettrons pas car je pense qu’il est désormais trop tard.

Q : Pourriez-vous expliquer comment, avec tant de musiciens, vous organisez vos discussions et vos prises de décisions sur le contenu de l’année suivante (tournée ou album) ? Les douze musiciens peuvent-ils proposer des airs, des chansons, des arrangements ?

R : Nous organisons une série de répétitions acoustiques à mon domicile, toujours avec les deux guitaristes, le claviériste/saxophoniste, un violoniste et moi. Parfois d’autres violonistes viennent aussi. La première, en janvier, nous l’appelons “répétition parlée” car nous discutons du contenu de la prochaine tournée, entre autres sur quoi nous voulons mettre l’accent. Par exemple : s’écartera-t-on davantage ou se rapprochera-t-on de nos racines traditionnelles ? Mettrons-nous au point un nouveau “top of show” ? Nous demandons toujours à chaque violoniste de proposer quelque chose à inclure dans le show : soit du neuf, soit de l’ancien à retravailler ou à réarranger. Nous décidons aussi si le groupe entier va jouer tout le show ou pas . Par ce processus de discussion, de suggestions, de travail d’arrangements et de répéttions, nous constituons le programme de la tournée. C’est raisonnablement démocratique et inclusif, mais la décision finale est prise par moi si une conclusion n’est pas encore apparue – mais habituellement elle est apparue, par consensus. Le programme de la tournée devient la base pour le choix de morceaux à enregistrer pour l’album suivant. L’intervalle entre deux albums est toujours supérieur à un an, ainsi nous finissons toujours par avoir une liste raisonnable de morceaux qui sortent du lot.

Q : Y a-t-il une personne désignée pour centraliser les suggestions et commentaires, et pour les mettre à disposition sur une sorte de web privé ?

R : A part le petit groupe qui se réunit pour des répétitions acoustiques, les autres membres du groupe utilisent des références audio placées dans un répertoire Dropbox. Ces références sont soit tirées des albums, soit simplement des enregistrements numériques des sessions acoustiques. Nous finissons par y avoir le programme complet de la tournée, de sorte que chacun puisse s’y exercer en privé. Je fournis des notes pour tout cela, ensuite vient une journée entière de répétition générale la veille du début de la tournée. A ce stade, il est inhabituel que quelque chose soit rejeté, mais c’est déjà arrivé. Le cas échéant, on se rabat sur un morceau du catalogue de réserve. Tous les enregistrements, l’édition, la fourniture de notes, etc, sont faits par moi. Cependant, beaucoup d’arrangements ainsi que la production des partitions individuelles pour les musiciens sont réalisés par Alan Whetton.

Q : Prévoyez-vous de changer le nom du groupe si d’autres instruments devenaient plus importants ? Ou ferez-vous en sorte que le violon soit toujours l’instrument principal ?

R : Le nom restera Feast of Fiddles. Après 26 ans, il est trop tard pour changer ! Il y aura toujours 5, 6 ou 7 violonistes dans le groupe. La signature du groupe, c’est un tas de violons avec un support rocky, très puissant. C’est un groupe folk-rock, pas un ensemble de violons. L’année où Alan Whetton, suivant ma suggestion, a rejoint temporairement le groupe pour remplacer un violoniste manquant, il y a eu quelques levers de sourcils, et des questions furent posées. A la fin de la tournée, le groupe m’a dit qu’il devait rester ! C’était bon, car j’étais déjà arrivé à la même conclusion.

Un nouvel invité : le virus

Bien sûr, nous n’avons pas pu faire notre tournée cette année à cause du covic-19. C’était vraiment dommage pour nous particulièrement, car nous ne tournons qu’une fois par an. Heureusement, nous n’avons perdu qu’une partie assez petite des coûts de la tournée annulée. Nous avons déjà des dates confirmées pour l’année prochaine et nous avons réussi à reporter à 2021 toutes nos dépenses de logement. Enfin, nous avons un très bon show qui est déjà préparé ! Nous sommes incroyablement chanceux. Beaucoup de groupes et de musiciens sont tout à fait inactifs, sans aucun revenu. Nous avons quelques membres du FoF dans cette situation. Comme beaucoup d’autres, les membres de notre groupe trouvent des manières de conserver des rentrées grâce à des prestations virtuelles, à de nouveaux enregistrements qu’ils vendent, … Nous espérons tous pouvoir nous remettre au travail sans devoir encore attendre de nombreux mois.

Feast of Fiddles : les cd

C’est bien le genre de folie extravagante dont les Anglais sont friands, et qui nous amuse tant, nous aussi. Il y a 26 ans de cela, le jour de la St Valentin 1994, naissait un groupe voué à disparaître chaque année et à renaître l’année suivante, avec beaucoup de violons mais pas uniquement, jouant du folk mais pas uniquement. Autour d’un noyau de vétérans vont et viennent différents musiciens, selon les années. Caractéristiques communes : vachement balèzes, capables de jouer à quinze sans chef d’orchestre, voulant faire de la chouette musique mais aussi s’amuser, par exemple en tirant en longueur l’intro d’un morceau que tout le monde attend, en jouant un thème de James Bond ou des Thunderbirds, ou encore une brève reprise de Deep Purple qui débouche sur “The Butterfly” … Il y a place pour de beaux instrumentaux et belles chansons en solo éventuellement soutenues à la fin par une guitare électrique et une batterie, car le folk-rock fait aussi partie de la bande, de même qu’un violon électrique, un accordéon, des guitares et beaucoup de cordes vocales, de cheveux blancs et de crânes dégarnis – ce qui donne un curieux spectacle lorsqu’ils se penchent tous bien bas pour saluer le public à la fin du show ! Atmosphères désopilantes ou pleines d’émotions, dynamiques ou paisibles, à quatre, à douze ou tout seul : on trouve de tout en proportions variables selon les années. Un livre et cinq cd sont encore disponibles sur leur site. Voici les cd par ordre chronologique.

“Nicely Wrong” : 3ème cd, et le second en public, enregistré en mars 2003. Stratégiquement placées en première et dernière positions, deux longues suites de morceaux traditionnels sont irrésistibles. Dans l’ensemble, ce cd offre un excellent panorama.

“Still Live” : 4ème cd, enregistré en public en 2006, comprenant trois morceaux purement acoustiques. Parmi les musiciens qui donnent un coup de main occasionnel aux douze autres, relevons Tom McConville, Simon Nicol, Deirdre Graham … ainsi que la présence de cuivres et d’un standard du jazz, “Autumn Leaves”.

“Walk before you Fly” : 5ème cd, cette fois en studio, en 2010. “On y a mis le temps, mais il faut d’abord pouvoir marcher avant de s’envoler”. Pas facile de coordonner les agendas, mais la technique aide. Et voici le thème du western “The Magnificent Seven”, voici James Bond mais aussi le fameux “Music for a Found Harmonium”, un “French Café (une jolie valse suivie de “la vie en rose” et “sous les ponts de Paris”), un air de la Bottine Souriante, la Cadillac de Geronimo, le Deep Purple qui cède la place au doux “Butterfly” … On vous disait qu’il n’y a pas que du folk, et ça remue bien.

“Rise Above It” : 6ème cd et le second en studio en 2013, basé sur le répertoire de 2012. Des prouesses des techniciens pour cet enregistrement des deux côtés de l’Atlantique, avec comme résultat un très beau son. Voici en entrée le thème des Thunderbirds, un chouette medley de jigs, un swing jazz qui dénote un peu, l’évolution joliment contrastée dans “Lochanside to Maribor” …

“Sleight of Elbow” : 7ème cd, 3ème en studio, en 2017, cette fois avec très peu de commentaires sur la pochette. Avec l’excellent “Smugglers’ Song” de Ian McCalman, le thème de Mission Impossible, un branle des chevaux à la vielle à roue, adapté dans sa dernière partie, comme morceau final quasi solo par Brian McNeill …

Site web : www.feastoffiddles.com