Sur un répertoire inattendu car beaucoup trop peu exploité, nous avons assisté à un magnifique concert de chansons traditionnelles wallonnes le 26 avril au Théâtre 140 à Bruxelles, dans le cadre des Nuits Nomades de l’émission Le Monde est un Village.

Magnifique car les deux musiciens ont développé des arrangements novateurs, s’écartant brièvement de la tradition pour mieux y revenir. La guitare de Rémi Decker est parfois très dure, évoquant peut-être la rudesse d’une époque, de certaines situations, de certains sentiments. Très délicate à d’autres instants, sa diversité de jeu est le fruit des nombreuses expériences d’un musicien encore jeune mais très doué.

Marc Malempré, lui, s’est trouvé un jeu de scène dynamique qui convient à merveille, plongeant sans difficulté les spectateurs dans une ambiance qui fleure bon la vieille époque. Chaleureux, pétillant même, il s’amuse visiblement enchantant les chansons d’amour. Plus rarement, il se fait sombre en poussant des « hourra » désabusés lorsqu’il évoque un soldat qui revient de guerre et, voyant sa femme remariée, repart au régiment.

De temps à autre, des extraits d’enregistrements de collectage renforcent encore le lien avec le passé. Marc ne se prive pas de donner des explications, parlant de la couturière de tel village de manière simple et naturelle. Un enregistrement particulièrement comique concerne un homme qui évoque la cornemuse en faisant « ouin, ouin … ouin, ouin, ouin ». Et no sdeux compères arrivent à faire chanter cela par la salle !

Le public participe donc, et apprécie les quelques morceaux de cornemuse placés tactiquement en milieu de concert – il est vrai que ce n’est pas l’objet principal du spectacle, mais on imagine bien que commencer le concert par de la cornemuse aurait installé une toute autre atmosphère, sans doute trop spécialisée.

Les chansons défilent avec un dynamisme soutenu, avec des morceaux de phrases répétés à l’envi, avec de petites divagations dans d’autres genres musicaux dont le blues. Tout cela, ainsi que le soin porté à la conception des arrangements, rend le spectacle très vivant, une heure durant. Une vision moderne qui rend hommage à la tradition de manière magistrale !

Marc Malempré

Dans les années 70 et 80, il anime le groupe verviétois Lu Gaw, des danseurs et musiciens qui pratiquaient un répertoire de danses wallonnes, basé entre autres sur les collectages de Marc et de son père.En 1984, il reprend le flambeau de Jenny Falize aux stages de danses de Wallonie à Neufchâteau.Il fait partie du groupe Au Pied de la Tour (musiques et chants du moyen âge), de la Compagnie Sac à Malices.Danseur, chanteur, joueur de cornemuse et de violon, moniteur de stages, entre autres activités il conseille le groupe Les Pas d’la Yau depuis de nombreuses années (leur prochaine fête annuelle sera centrée sur la voix, pas uniquement folk,sur le thème de l’amour).

Rémi Decker

Si la cornemuse est historiquement son premier instrument, il s’est mis également à la flûte et a développé un jeu très inventif à la guitare.Fondateur de plusieurs groupes (‘k Voel me Belg, Griff, Belgian Bagpipe Groove Experience, Duo Decker-Decombel, Zafan), il joue également dans une série d’autres groupes, compose des musiques de film, écrit des musiques et chansons pour du théâtre jeunes enfants, donne des cours de cornemuse et de flûte (site www.remi-decker.be).

Le cd : Codicille 2013

Codicillle : acte postérieur ajouté à un testament pour le modifier (Larousse)Empreinte de sensibilité, cette version studio, certes un rien plus sage que leconcert en public, fait intervenir quelques musiciens invités. De manière assez discrète dans des chansons, avec quand même de belles notes blues d’harmonica au début de « Soldat qui revient de la guerre ». Et de manière plus nette dans les deux instrumentaux : « L’honneur gardé » (de Rémi Decker) avec la fanfare Verenigde Vrienden de Wolfsdonk qui s’introduit progressivement, et « Mazurka-lin » (de Marc Malempré) où les cornemuses sont rejointes par le violoncelle, l’accordéon, la batterie et l’harmonica, ce dernier se chargeant d’une belle reprise en solo, tout en délicatesse.Enregistré à la RTBF pour le Monde est un Village, avec Rémi Decker(guitare, chant, cornemuse, whistle), Marc Malempré (chant, violon,cornemuse), Martin De Roos (chant, accordéon), Frédéric Malempré(percussions), Guillaume Malempré (batterie), Florence Bailly (violoncelle,chant) et Olivier Poumay (harmonica). Les deux musiciens et leurs invités seront présents au festival d’art de Huy.(www.homerecords.be, www.deckermalempre.be)

Marc Bauduin

(paru dans le Canard Folk de juin 2013)