Yvonne Vart a donné un stage de danses le week-end des 16 et 17 mars au Sart-Tilman sur invitation de la DAPO de Liège. Si les« Cabris du Val D’Amblève » avaient souhaité apprendre la Célèbre Mazurka de Spa (musique d’Alexandre-Charles Fessy,composée po les Bals de la Cour de Russie en 1844), les participants venaient de toute la Belgique francophone, attirés par la réputation internationale de cette formatrice.Yvonne nous vient de Lyon où elle a fondé et anime le groupe« Révérences – danses et contredanses ». Nous en avons profité pour la rencontrer pour le Canard Folk.

Q:Comment en es-tu arrivée à la danse dont tu es devenue la  spécialiste ?

R :J’ai commencé par jouer de la flûte à bec et de là j’ai été intéressée par la danse qui faisait partie de mon répertoire :danse renaissance d’abord,puis baroque et folk.Je me suis rapidement rendu compte que l’on racontait parfois n’importe quoi sur l’histoire des pas et de figures de danse et j’ai voulu approfondir.C’est ainsi que j’ai découvert que le terrain avait déjà été fameusement étudié pour la danse renaissance et la période baroque. La danse populaire aussi avait ses experts,notamment les Guilcher. Par contre la danse de salon du 19ème siècle était restée méconnue, voire méprisée. Or en faisant des recherches, j’ai découvert que c’était une période digne d’intérêt et je m’y suis progressivement consacrée.

Q:Comment mènes-tu tes recherches pour cette époque ?

R :Il s’agit non pas de faire des collectages comme pour la danse folklorique, mais de rechercher des textes qui mentionnent,les danses et les décrivent. J’ai ainsi passé de longs mois à Paris pour écumer la bibliothèque de l’Opéra de Paris et la Bibliothèque nationale. J’ai aussi recherché les Carnets de Bal comme le fera aussi en Belgique Roger Hourant. A partir du moment où l’on a une description, il faut rechercher la musique sur laquelle danser. Parfois c’est facile : le document signale le compositeur et le titre de musique, à condition bien sûr de pouvoir retrouver la partition et de disposer d’un enregistrement. Parfois c’est plus compliqué : il faut rechercher dans les musiques de l’époque, celle qui s’adapte parfaitement aux pas de danse tels qu’ils sont décrits. Cela demande du temps,mais on est content quand on trouve la musique parfaitement adaptée. J’ai même eu la surprise un jour de découvrir sur un document que la mélodie que j’avais retenue pour une danse était celle qui avait servi effectivement à l’époque.

Q: L’histoire de la danse au 19èmesiècle connaît sans doute des évolutions…

R: L’histoire de la danse de salon qui m’intéresse commence avec l’arrivée des contredanses anglaises en France à la fin du 18èmesiècle. La contredanse française se répanddans nos régions. Au moment du Premier Empire (1804-1815), ces danses vont devenir le « quadrille de contredanses » avec la disposition de quatre couples en carré que nous connaissons, mais de nombreuses figures s’enchaînaient interminablement. Progressivement on n’en garda que cinq (Le Pantalon,L’Été, La Poule, La Pastourelle, Le Galop ou La Finale). La mode de la Valse apparaît et envahit les salons. Enfin il y eut le déferlement de la polka(on parle même de polkamania), de la redowa, de la mazurka et tout à la fin la timide apparition du Boston américain.Les danse du 19ème ne se terminent qu’à la guerre de 1914-18. Après cela, l’influence américaine bouleverse tout, c’est une période que se termine

Q: les vêtements de ces périodes, très contraignants pour les dames, ont-ils eu une influence sur la forme des danses ?

R: Peut-être, mais d’autres influences ont aussi joué, telles que les danses venant de l’est de l’Europe. Et les vêtements ont aussi subi l’influence de la danse, ainsi pourque la danse devienne praticable, les traînes étaient raccourcies.

Q: Tu donnes des formations en danse de salon du 19ème à travers toute la France.

R: Oui, depuis Lyon, je vais à Paris, passe régulièrement à Marseille, en Normandie, dans le Nord, le Centre…Je vais même à l’étranger, aujourd’hui en Belgique, mais aussi à Venise, à Londres et je pars la semaine prochaine au Japon.

Q: Comment sont organisés les différents clubs qui pratiquent ce genre de danse ?

R: Après quelques avatars, la plupart de ces clubs en France sont organisés en une fédération « Terpsichore » dont jesuis une cheville ouvrière et le maître à danser de référence. Bon an mal an, chaque groupe essaie d’organiser son bal,en définissant l’époque retenue, ce qui conditionne les costumes de la soirée et les danses qui s’y pratiqueront. C’est ainsi que pour certains bals, les dames portent des robes Empire, pour d’autres des jupes à crinoline (crins ou cerceaux),pour d’autres, les ‘faux-culs’, et avant 1914,c’est la mode des robes languides..

Q: Quel matériel mets-tu à disposition des groupes qui souhaitent s’ouvrir à la danse du 19ème ?

R: Trois disques « Saisondes Bals » ont été édités : 1. Premier Empire et Restauration (1804-1830); 2. Second Empire (1852-1870) ; 3. Belle Époque (1870 -1914). Trois disques de travail sont en outre disponibles. A cela s’ajoute un jeu complet de fascicules explicatifs.

Yvonne Vart a mené son stage avec brio: le groupe des Cabris pourra très probablement mettre à son programme la Mazurka de Spa et tous les danseurs ont appris avec plaisir des danses qui hantaient les salons à la fin du 19ème siècle.Tous espèrent revoir Yvonne Vart en Belgique pour poursuivre les découvertes dont en leur temps Lou Flagel et Roger Hourant ont ouvert la voie. C’est en effet enthousiasmant d’apprendre sous l’impulsion de cette animatrice débordant d’énergie et de compétence qui court vers l’ordi pour lancer la musique, montre le pas et se mêle à la danse pour entraîner les danseurs.

A bientôt, nous l’espérons, Yvonne.

Guy et Micheline Vanden Bemden-Casier

(paru dans le Canard Folk de mai 2013)