Dans sa ville de Namur, une musicienne nous a quittés le 13 octobre dernier.Elle s’appelait Claudine Buffet.

Si vous jouez de l’épinette ou si vous êtes familier des rendez-vous “trad” dela région namuroise, vous avez bien dû la rencontrer un jour dans le cadre d’un festival ou d’une fête locale et l’entendre jouer une danse wallonne sur son instrument favori, à moins qu’elle ne vous fît découvrir une merveille de chant de troubadour ou encore évoquer un nouveau projet fédérateur.

Très jeune, Claudine a été touchée par le virus de la musique, et d’abord, parla classique : elle jouait du piano à 5 ans et gardera le goût de la musique savante – les musiques anciennes, surtout – sa vie durant.

Institutrice maternelle dans la région de Profondeville, elle prit bien vite l’habitude de donner à la musique le rôle d’une activité première en classe. Et,peut-être parce que Machaut, Lassus ou Couperin sont merveilleux mais pas toujours accessibles aux bambins, on entendit surtout des scottish et des gigues dans ses classes…

Claudine était multi-instrumentiste. Ceux qui l’ont connue ont sans doute en mémoire son grand psaltérion médiéval à archet avec lequel elle jouait les Cantigas de santa Maria.

Mais c’est surtout à l’épinette, découverte lors d’un voyage dans les Vosges début des années 1990, qu’elle se consacrera avec une ardeur que l’onimagine difficilement.

Elève d’André Deru (B) et de Christophe Toussaint (F), elle va multiplier les activités pour faire apprécier l’épinette et la musique traditionnelle en général:

•De 1995 à 2003, membre d’Accordance, groupe trad namurois.
•Fondatrice de l’ensemble trad “Les Pt’its Gris” actif de 1996 à 1998
•Depuis 1996, jusqu’à ces derniers mois, membre de l’ensemble des musiciens de la Caracole, la troupe namuroise de danses traditionnelles emmenée par Maryse Mercier.
•Avec Accordance, on peut entendre Claudine dans“Pas si simple”, le cd enregistré par le groupe en 1997. Également,une participation au double cd“Elles dansent nos racines” (2004, Folknam Music’trad), et au CD “De Klank van de Hommel”(Gooik, 2010).
•On peut également la retrouver avec “Trio Clap”, dans le cd “Rues de Namur” Manuscrit Wandembrile (Folknam2006).
•Animatrice de rencontres hebdomadaires de musiciens chez elle, sur les hauteurs de la Citadelle de Namur, pendant plus de 20 ans. Rares sont les musiciens de la région qui n’ont goûté à ces séances de découvertes musicales, de pratique collective et de partage de “coups de coeur”..
•Auteure d’un recueil de partitions originales pour épinette “Le Porte-Notes” (à découvrir sur le site de Christophe Toussaint epinette.free.fr)
•Passionnée d’instruments : elle multiplia les contacts avec les facteurs d’épinette, comme Christophe Toussaint, Jean-Claude Condi ou, en Belgique, Dany Van den Herrewegen. Par ailleurs, elle se mit récemment à l’étude de la chifonie(vielle à roue médiévale). Ses voyages à l’étranger furent pour elles autant d’occasions de ramener des épinettes lesplus différentes, avant de s’inscrire à des stages permettant la découverte de leurs répertoires et de leurs techniques de jeu propres comme pour la citera hongroise ou le langeleik suédois appris, en France, au contact de Gunvor Hegge et de Jacques Leininger.

D’un caractère entier et enjoué, animée avant tout du désir de partager sa passion, Claudine a formé ou conduit aux musiques traditionnelles de nombreux musiciens jeunes et moins jeunes.

Parallèlement, elle a archivé une incroyable collection de partitions (le plus souvent recopiées de sa main), allant des musiques de nos ménétriers wallons aux danses slaves et aux estampies médiévales.Ces partitions, mais aussi de nombreux livres et cd consacrés aux musiques traditionnelles ou anciennes et, également,la majeure partie de ses instruments, Claudine a voulu en faire don à notre académie, animée du désir de toucher ainsi les élèves qui y pratiquent déjà les musiques traditionnelles et, surtout, avec la conviction d’y amener aussi ceux qui,comme une grande partie du public, n’ont pas même l’idée de leur existence.

“Toutes ces merveilles, il faut les faire connaître ”. Ce sont parmi les dernières paroles que nous a adressées Claudine lors de notre ultime contact.

Dans cette perspective, et parallèlement à d’autres activités de musiques traditionnelles déjà en place, l’académie d’Eghezée travaille aujourd’hui à la mise sur pied d’un cours ou d’un atelier régulier d’épinette dès la rentrée scolaire prochaine. Afin que l’énergie et le temps passionnément consacrés à la musique par Claudine puissent longtemps encore,et au profit du plus grand nombre, produire leurs effets bénéfiques.

Marc Maréchal, Académie d’Eghezée

(paru dans le Canard Folk de janvier 2014)