Cette rubrique se veut ouverte, de bric et de broc, à tout fouineur amoureux de la tradition musicale, chantée et dansée de nos régions. Comme autant de loupiotes allumées aux fêtes et kermesses, comme autant de brandons réchauffant les veillées, puissent ces traces de nos ménétriers nous éclairer sur notre patrimoine musical populaire. Ce patrimoine qui, fatigué de dormir dans les musées, se veut accessible à tous, et en constante évolution pour une pratique contemporaine.

6. / Un musicien de légende : Djean de Mady héros gaumais.

Héros populaire du pays gaumais , Djean de Mady devient vite légendaire et de génération en génération, de nouveaux épisodes s’ajoutent au récit des aventures de ce ménétrier. L’imagination populaire le marie, le fait cordonnier et violoneux, farceur et hâbleur, menant une vie de bohème tout en animant les fêtes des villages gaumais. Il ne craint ni Dieu ni Diable et parvient toujours à renverser la situation à son avantage, grâce à sa verve et à son intelligence.

 » or un soir d’octobre, que notre artiste violoneux revenait du bal de Signeulx, portant dans le torchon le gâteau et ayant en bandoulière son violon gagne-pain, au moment où il pénétrait dans le bois de Bicaumont, bois de loups et de bandits dévalisant les voyageurs, il remarqua une forme mouvante derrière deux boules brillantes.  » Bon sang de bon sang… un loup « , s’exclama Djean…

Il faut savoir qu’en ces temps là, les loups venant des grandes forêts d’Ardenne s’aventuraient jusque dans les bois de Gaume.

Saisissant par les dents le nœud du torchon qui enveloppa le précieux gâteau de la fête, Djean enlace un charme et, comme un écureuil, grimpe jusqu’aux premières branches.

Au pied de l’arbre, deux yeux phosphorescents le regardent et de grandes dents l’attendent affamées. Que faire pour chasser cette vilaine bête ? Elle voudra bien retourner dans son pays d’origine, sans doute, quand elle n’aura plus faim ? Et Djean jette au carnassier un morceau de gâteau. Mais de nouveau les yeux brillent vers les cimes de l’arbre après une éclipse rapide.

Djean laissa tomber un deuxième morceau, puis un troisième et ça doit goûter au pied du charme, car notre violoneux entend le bruit des mâchoires qui claquent sec comme des castagnettes.

Et quand tout le gâteau fut livré à la voracité du loup, Djean, à califourchon, ne pouvait toujours pas descendre parce que les dents et des yeux brillaient sous son gîte :  » Ah ! l’varrat, i n’saveremm… Fayans l’dansi…… » ( Il ne partira pas, faisons le danser.)

Djean, sur la branche, racla une polka… et voilà que le loup entendant pareille musique, dans la nuit noire, se mit à danser si follement après avoir gloutonnement dévoré le gâteau, qu’il en creva au pied du charme……

Djean, nouvel Orphée, avait la vie sauve mais son gâteau gonflait la panse du vilain loup.  » Ah ! si d’javou su…  » disait l’artiste en contemplant son oeuvre…

Extrait de : Achille Poncelet, Les aventures du Djean de Mady, Vroment et C, Bruxelles, 1925

Variante : … les doigts gourds, l’artiste se mit à gratter horriblement sur son instrument. Aux sons stridents des cordes désaccordées, le loup se mit à aboyer de façon déchirante et, sans attendre la suite du récital, s’enfuit à belle allure.

Issu d’une famille originaire de Montmédy, Jehan de Mady serait né en 1585 à Velosnes, près de Torgny. Forestier de la prévôté de Virton en 1611, il délaisse rapidement la profession et préfère gratter le violon que son oncle, Louys de Mady, ménétrier de la chambre de Monseigneur le Comte de Mansfeld à Luxembourg, lui a probablement légué. Sa renommée de musicien sans pareil, de maître à danser et de diseur de  » flauves « , (histoires drôles), le fera entrer dans la légende.

Promeneur, si un jour tu passes à Virton en Gaume, tu seras entouré d’oeuvres d’art qui ont fleuri dans les parcs, au milieu des fontaines, sur les pignons des maisons tous à la gloire de Djean de Mady, héros gaumais.

Pour de plus amples informations contactez Myriam Pezzin, Service éducatif du Musée gaumais 063 57 03 15

Walter et Jacqueline LENDERS

(paru dans le Canard Folk de janvier 2001)