d’abord la version de Thisse-Derouette …
Remarquez que cette polka aurait dû être écrite en 2/4 comme toutes les polkas au lieu de 4/4. Mais cela ne change vraiment pas grand chose pour le commun des mortels …
Voici donc un grand classique wallon : la polka de Célestine, du nom de Célestine Fanon. Les Fanon sont des violoneux, derniers utilisateurs connus du manuscrit Houssa. C’est un air dynamique et pas très compliqué, qui a l’avantage d’être en trois parties et de pouvoir être joué aussi bien en Sol qu’en Do.
Rappelons que les boutons sont numérotés en ordre croissant du grave à l’aigu, et que ceux entourés d’un rectangle correspondent à la rangée intérieure, celle de Do. Les poussés sont situés au-dessus de la ligne horizontale, les tirés en dessous.
Voici le fichier audio au format midi
… ensuite des commentaires (publiés en avril 2011)
Qui ne connaît cet air entraînant, pétillant, bien de chez nous, qu’est la polka de Célestine ? Comme tant d’autres airs wallons, elle a été vulgarisée par Rose Thisse-Derouette dans un de ses fascicules pour la Commission Royale Belge de Folklore. Et pourtant … cet air est-il correct ? Et s’agit-il vraiment d’une polka ? Les spécialistes disent depuis longtemps que Thisse-Derouette, dans sa présentation de musiques et danses traditionnelles, a modifié des choses sans le dire.
Il y a quelques mois, Bernard Vanderheijden m’écrit que, parcourant par hasard les partitions wallonnes sur le site du Canard, il est tombé sur la « polka de Célestine » qu’il ne parvient pas à trouver dans le manuscrit Houssa. Pourtant Thisse-Derouette, dans son fascicule 10 paru en 1978, écrit bien que Célestine Fanon a mis cet air, avec trois autres danses, dans le manuscrit Houssa.
Après quelques recherches, on retrouve finalement cet air dans le manuscrit (page 52), mais, grosse surprise : sans titre, sans clé, sans armature, et avec au moins une mesure qui est différente. Et sans signes de répétition des phrases.
Puisqu’il n’y a ni clé ni armature, on peut formuler plusieurs hypothèses sur le mode de la mélodie :
soit on joue l’air littéralement comme on le voit, sans dièzes ni bémols. On est en mode de Ré, inhabituel dans nos mélodies de danses traditionnelles.
soit on suppose que Célestine a oublié de mettre un bémol à la clé. On est alors en Ré mineur, plus précisément en « mineur antique ».
soit on suppose que, comme les autres airs de Célestine dans le manuscrit, on est en majeur.
Voyons ce que cela donne, tout d’abord en mode de Ré :
Le résultat est de prime abord surprenant, mais c’est une question d’habitude. A la longue, on se dit : pourquoi pas ? Et on remarque que l’air suivant dans le manuscrit (il a une clé, lui) est dans un mode peu habituel lui aussi.
Voici le fichier audio au format midiv1min
En mode mineur antique :
Cela sonne « mieux » (disons plutôt : cela se rapproche de nos habitudes), mais cela fait plus penser à une contredanse qu’à une polka. Certains estiment d’ailleurs que la « polka » en majeur a plutôt un mouvement de contredanse que de polka. Par contre, il n’est pas fréquent de voir une contredanse sans aucun titre.
Voici le fichier audio au format midi
Enfin, en majeur :
Ici, il a fallu modifier la 6ème mesure en remplaçant le Do (supposé dièze) par un Ré, sinon c’était horrible. Cette mesure devient ainsi identique à la 2ème mesure. Ce genre d’erreur (supposée) et de correction (que Thisse-Derouette a aussi apportée) n’est pas très rare, mais demande bien sûr de la prudence. On n’est sûr de rien … Par contre, ce qui est absolument certain, c’est que Thisse-Derouette a remplacé la 4ème mesure de la 3ème phrase par une invention, sans raison apparente. Quand on disait qu’il ne faut pas se fier à elle (qui est pourtant Prix de Rome) ! Par ailleurs, cette version en majeur sonne plus comme une polka … mais peut-être est-ce dû à l’habitude que nous avons de la danser en polka ?
Voici le fichier audio au format midi
Conclusion
S’il y a une chose qu’on peut conclure, c’est qu’on ne peut rien conclure de définitif. On laissera donc cela à votre libre appréciation, en espérant que certains auront la curiosité d’expérimenter … et en espérant aussi que ceux qui jouent l’air en majeur tenteront de remplacer la mesure inventée par l’originale.
Marc Bauduin